9 juillet 2009

L'oeil américain - Tony Truant & ses deux solutions

Les rares fois où j'ai lu des choses sur Tony Truant, il était question de son curriculum vitae. Il a commencé avec ceux-ci, il joue maintenant avec ceux là. L'air de dire : regardez comme ce type sait se mettre à la bonne avec les champions, il doit bien en rester quelque chose dans ses propres disques. Le problème avec Tony, c'est que ses disques ne ressemblent que d'assez loin avec ce qu'il a pu faire avec ses ex ou futurs acolytes.

Ce que je préfère chez Tony, ce sont ses paroles. Lui cite Dylan, les critiques lui répondent Audiard. A quoi bon choisir, c'est ni l'un ni l'autre. Dans les meilleurs moments, ça peut donner des choses comme : "Le vert qui tire vers le bleu est glauque /Aussi ai-je déterré mon tomahawk" ou "Dans la cour Balthazar fait des ronds / ce n'est pas pour plaire à l'administration". On retiendra également le définitif : "Je ne jouerai pas à Eurodisney / Je veux rester dans mon lit / Pas la peine de polémiquer / dans mon lit toute la vie". Dans un registre plus cocasse, "Elle est raide / j'ai du mal à l'avaler / elle est raide / je vais encore en baver" ou encore "J'ai pris du speed / pour tenter d'être moins stupide". Vous avez déjà entendu des trucs comme ça à la radio ? Moi jamais.

Premier album en 1989 signé Tony Truant et le Million Bolivar Quartet. La chose s'appelle "Your room is ready sir !". Du rock pas sorti du garage. Une production qui a un peu vieilli mais quelques chouettes titres ("Je conduis des mules", "Je suis contre", "Le tonnerre gronde") et un morceau d'anthologie, "G2LOQ". 4'05'' d'osmose parfaite entre l'écriture quasi automatique de Tony et la guitare de son ami et maître, l'infiniment regretté Dominique Laboubée. Le tout sur l'éphémère label Bird Production qui disparaît quelques temps après.

Son deuxième album, paru en 1994, est son chef d'oeuvre : "Pupille mon oeil" par Tony Truant et Dignes Dindons. On l'a quitté rocker puriste et provincial. Le voici accompagné de la fine fleur des musicos parisiens. Des guitares mais aussi des cordes, du piano, du ukulélé. Les accusations fusent : Tony s'est vendu à la variété. De fait, la plupart des morceaux n'ont plus grand chose à voir avec le rock à guitares. Arrangements luxuriants et textes inclassables. Mes préférées : "Fais pas chier quand je travaille", "Elle est raide", "Dernière sensation", "Mort mort mort mort", "En coulisse". Ce qui aurait dû être un coup de Trafalgar tourne au pétard mouillé. Le label New Rose Fnac qui édite le disque est moribond. Rien ne va plus.

En 1996 parait "Radio Château Rouge" par Tony Truant et son négligé. Si, sur le fond, l'album est un peu dans la même veine que le précédent, on sent que, dans la forme, les moyens financiers n'ont pas été les mêmes. Il y a quand même un manifeste qui aurait pu devenir un tube ("Je ne jouerai pas à Eurodisney") et quelques autres bon moments ("Ma fiancée s'est fait la malle", "Tout ce bordel au nom de Dieu"). Après, plus rien pendant sept ans.

Revoilà Tony en 2003 avec "Ovomaltine, benzedrine et vengeance" de Tony Truant et ses 2 solutions. Retour au rock garage avec un power trio. Pour la première fois sous son nom, des reprises : "Le Pivert" de Ronnie Bird (de la bombe), "Toto" des Wampas (du napalm) et "Pas Gentille" de je ne sais pas qui (de l'amour). C'est rugueux et tonique. Les guitares grattent, la batterie roule. Comme on dit, ça déménage.

Nous sommes en 2009. Cinquième album et cinquième maison de disque. Cette fois-ci, Tony won't be fooled again. Il le publie à ses frais sur son propre label, Poussinet. Ça s'appelle "L'oeil américain" et c'est à nouveau signé Tony Truant et ses 2 solutions. Toujours en power trio. Tony toujours à la guitare mais les autres musiciens ont changé. L'album est sympa mais moins affolant que le précédent. Que dire, c'est moins tendu, plus attendu. Heureusement, Tony a eu l'heureuse idée de placer en bonus les titres du maxi enregistré en 2005 avec les inénarrables Fleshtones et qui n'était sorti qu'en vinyle (entre autres, une version gaillarde de "Maman n'aime pas ma musique"). Superbe pochette. Tony en vieux sage, les joues creuses, le regard qui voit loin. Pour ne pas gâcher la photo, Tony n'a pas mis son nom dessus. Le genre de fantaisie que peut se permettre (et encore) Prince. J'espère qu'en plus d'un oeil américain il a un oncle d'Amérique pas radin sur les dollars.

Il m'est arrivé d'avoir cette vision étrange : j'allume la télé et je vois Tony. L'animateur lui pose de gentilles questions, lui demande s'il participera encore aux enfoirés cette année et le remercie d'être venu présenter en avant-première son nouveau tube. Un public casté de beaux jeunes gens aux dents blanches l'applaudit à tout rompre. Et tout ça parait hyper-normal.


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Tony Truant & ses 2 solutions
L'oeil américain
Poussinet 2009

Tony Truant
On the rocks (compilation de ses 4 premiers albums)
Poussinet 2005

www.myspace.com/tonytruant

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