11 octobre 2009

Malraux en Haïti, vaudou à Paris

Pas à dire, le Musée du Montparnasse ne paye pas de mine. Pour vous y rendre, il vous faudra quitter l'avenue du Maine juste avant qu'elle ne devienne cet épouvantable tunnel troué sous la dalle Montparnasse et vous engager dans une paisible impasse verdoyante qu'on devine colonisée par les bobos. Soudain des pavés, de la vigne vierge, des moineaux qui gazouillent et bientôt une créole en tôle qui vous signale la petite porte du musée. C'est là que, jusqu'au 19 novembre, se tient l'exposition "Le dernier voyage d'André Malraux en Haïti - La découverte de l'art Vaudou".

Je ne pense pas exagérer en disant que Haïti est à la peinture ce que sa voisine la Jamaïque est à la musique. Un miracle. Ce petit bout de Caraïbe a enfanté des dizaines d'artistes merveilleux : des naïfs et des visionnaires, des faiseurs et des bruts, des peintres et des sculpteurs. Pour des raisons qui m'échappent encore, ces artistes restent peu connus du grand public et sont pour la plupart ignorés du marché de l'art. Même le musée du Quai Branly fait le service minimum. Lorsque je l'ai visité, il y avait une vitrine avec quelques objets de culte vaudou et trois ou quatre tableaux. Rien à voir par exemple avec l'espace consacré à la peinture aborigène.


Comme Haïti ne déplace pas les foules, les commissaires doivent à chaque fois se creuser la tête pour trouver une astuce qui attirera le chaland à leur exposition. Cette fois-ci le prétexte est André Malraux. A juste titre d'ailleurs puisque Malraux est avec André Breton le seul grand intellectuel à avoir défendu la peinture haïtienne en France. En 2000, pour l'exposition Anges et Démons, la Halle Max Fourny avait mis le roi de la FIAC sur l'affiche. Il faut dire que le père de Jean-Michel Basquiat était haïtien (sa mère était portoricaine) et qu'ils avaient trouvé une toile sur laquelle il avait écrit le mot "Haïti". L'intention était louable mais tout ça était un peu tiré par les cheveux.

L'exposition du musée du Montparnasse est sous titrée "la découverte de l'art Vaudou" (bien qu'une bonne partie des oeuvres présentées soient sans rapport avec le Vaudou). On le sait, Haïti est la terre du Vaudou. Il imprègne les mentalités. On le retrouve donc à des doses plus ou moins concentrées dans les productions des artistes locaux. Des loas, des sirènes, des zombies, des hougans et, mon préféré entre tous, le baron Samedi qui est une sorte d'Ankou tropical.

Cet aspect de la peinture Haïtienne avait particulièrement frappé Malraux. En 1975, il avait visité la communauté Saint Soleil à 50 kilomètres de Port-aux-Princes. Deux peintres professionnels y avaient établi leur atelier et avaient eu l'idée de faire peindre des paysans de la région. Ils avaient mis à leur disposition du matériel mais ne leur avaient prodigué aucun conseil. Ces paysans ne connaissaient que la vie des campagnes et le vaudou. C'est ce qu'ils peignirent. Le résultat stupéfia à ce point Malraux qu'il parla de "l'expérience la plus saisissante et la seule contrôlable de la peinture magique du XXe siècle". Certains de ces paysans sont devenus des peintres reconnus et, assez logiquement, on en retrouve quelques uns au Musée Montparnasse comme Prospère Pierre-Louis (dont une peinture de 1974 est exposée), Dieuseul Paul (photo ci-dessous) ou Louisianne Saint-Fleurant.


Un mot pour finir sur deux peintres exposés que j'aime particulièrement. L'accrochage ne comprend qu'une seule toile du vétéran Préfète Duffaut (né en 1923). C'est bien dommage car ses cités imaginaires sont vraiment incroyables. Vous pouvez en voir quelques exemples sur le site du centre d'art Espace Loas (et même en acheter une). Avec Frantz Zéphirin (né en 1963) la relève est là. Il expose une immense toile pour ainsi dire psychédélique. Je ne l'ai pas prise en photo mais vous pouvez la voir sur le blog Le Poignard Subtil.


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Le dernier voyage d'André Malraux en Haïti
Musée du Montparnasse
21 avenue du Maine - Paris 15e
Jusqu'au 19 novembre