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15 septembre 2013

Good bye Bobby - Primal Scream

Sur le formidable nouvel album des Primal Scream, une curiosité mérite d'être signalée. Plage 7, Bobby Gillespie et ses narco-acolytes s'attaquent à rien moins qu'un Himalaya : le Good Bye Johnny des légendaires Gun Club.

Good bye Johnny, c’est le morceau qui clôt Fire of Love, l'album qui révéla en 1981 le groupe de Jeffrey Lee Pierce. Un final en forme d'apocalypse molle, qui s’étire en longueur, traîne. Des guitares squelettiques sur lesquelles Jeffrey Lee pose une dernière fois sa voix de prophète :

Look what's been done, John
It's coming out of the east like rain, Johnny
Look, what's been done, John
It's coming like a God with no name, Johnny

L'agonie dure 3 minute 44. Un dernier râle et le morceau s'écroule, mort d’épuisement.

Revenons à la plage 7 du petit dernier de Bobby et de ses compères.

On est transportés à Copacabana dans un thé dansant bondé de retraités britons. Bobby nous attend au centre de la piste. Des couples sombres le frôlent. Le lightshow fait de petites étoiles sur sa veste. Ignorant les sourires de porcelaine des danseurs, Bobby porte le micro à ses lèvres. 

Choeur féminin languissant : Johnny
Bobby (blasé) : Everybodys’s drunk in the world below
Re-choeur féminin languissant : Johnny
Re-Bobby (à la cool) : It’s a soundness sound when the sun don’t show

Ça, une reprise de Goodbye Johnny ?

Sur le site sabotagetimes.com, Bobby donne le fin mot de l’affaire : « L’histoire c’est qu’on nous avait donné la démo d’une chanson pré-Gun Club de Jeffrey Lee Pierce qui s’appelait Good Bye Johnny avec juste la voix et une guitare acoustique. Alors on a gardé les paroles (ah bon ?) mais on a écrit une chanson complètement nouvelle avec une toute nouvelle musique " (pour ça oui !).

Quand je parlais de curiosité, Les Primal Scream ont inventé la reprise sans prise. Un peu comme ces gangsters qui changent de visage et de nom. C’est bien eux et pourtant ce n’est plus eux. Même leur mère ne les reconnait plus. On notera au passage l'altruisme des Primal Scream qui paient des royalties aux héritiers de Pierce pour une chanson qu'il n'a pas écrit.

Un peu plus loin, la joyeuse bande bombarde un Walking with the Beast de belle facture. Celui du troisième album du Gun Club ? Là encore, la musique n’a rien à voir, les paroles sont différentes. Jusque là tout est normal, c’est bien une reprise du Gun club par Primal Scream. Sauf que la chanson est signée Gillespie/Innes. Sans doute pour brouiller encore plus les pistes, ont-ils masqué l’identité réelle de son auteur.

Le reste de l'album, c’est du Philip K Dick. Rien que des reprises du Gun Club mais personne ne peut le deviner. En plus d'avoir changé les mélodies, les paroles et les auteurs, les Primal Scream ont aussi changé les titres. River of pain serait elle une relecture apaisée de Death Party ? Cette perspective ouvre des horizons vertigineux.
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More Light
Primal Scream

29 octobre 2012

En quarantaine - Rotomagus et Jean-Pierre Mirouze

Le point commun entre Rotomagus et Jean-Pierre Mirouze ? Ils sortent ces jours-ci d'une quarantaine de ... quarante ans ! Ils n'ont pas commis le même crime (les uns faisaient trop de bruit, l'autre a sonorisé un soft porn) mais ils ont purgé la même peine : quarante ans d'isolement et de silence.

En juillet 70, les Rotomagus, power trio rouennais, mettent en boite une maquette 9 titres qui boxe dans la catégorie poids lourd. C'est chanté en anglais, les musiciens sont particulièrement bien en place et jouent avec une sauvagerie assez inédite au pays des Triangle. Il aurait fallu qu'un directeur artistique les repère et les fasse monter sur le ring. Il n'en a rien été. Juste un quarante-cinq tours sorti discrètement : The sky turn red / Fighting Cock . Ce dernier titre est une cavalcade électrique, ponctuée par un étonnant chant du coq exécuté à la six cordes. Après ces deux rounds gagnés au poing dans l'indifférence générale, Rotomagus jette l'éponge.

A peu près au même moment, en 1971, le chef d'orchestre Jean-Pierre Mirouze compose la bande originale du film Le mariage collectif, une bobine post soixante-huitarde qui se veut libérée mais qui apparemment n'a pas chauffé grand monde. Tant par les compositions que par la richesse des arrangements, cette BO est somptueuse. Le niveau Jean-Claude Vannier. Là aussi, un petit quarante-cinq tours et puis s'en vont. Deux extraits sont publiés : Together avec en face B le jerk Sexopolis . Les sept autres morceaux restent inédits. Après plusieurs tentatives infructueuses (un mini-tube quand même avec "Je suis" de Nicole Rieux), Jean-Pierre Mirouze arrêtera la musique pour se consacrer à divers projets audio-visuels.

Heureusement, il existe des passionnés pour sortir des oubliettes ces chefs d'oeuvre oubliés. On a vu le travail fait en Angleterre pour les naufragés de Wicked Lady. Côté français les sauveteurs s'appellent Martyrs of pop et Born Bad Records.

Martyrs of pop sort une intégrale de Rotomagus. Les productions avant la fameuse maquette (bof..), la maquette (une tuerie) et le quarante-cinq tours qui en ont découlé (un carnage). Pour finir, deux titres dont on ne comprend pas s'ils sont sortis ou non, l'un des deux étant une relecture cartoonesque du viril Laureline avec voix de canard à l'helium, le genre de suicide artistique dont un rocker ne se remet normalement pas (encore que, Bowie et son Laughing gnome de 67...).

Born Bad Record publie la Bo complète du Mariage Collectif. Il est longuement question dans les notes de pochette d'un acetate qui aurait été miraculeusement retrouvé dans une décharge et qui serait à l'origine de cette édition. On veut bien les croire mais alors quelle restauration du son ! C'est de la friandise pour chaine hi-fi, on dirait du Air !

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Rotomagus
The sky Turns red - Complete antology
Martyrs of pop - 2011

Le mariage collectif
BO composée et dirigée par Jean-Pierre Mirouze
Born Bad Records - 2012

28 août 2011

Le Comelade automatique

Pascal Comelade n'a jamais fait mystère du peu de goût qu'il a à se donner en spectacle. Donner un concert est pour lui au mieux un effort surhumain qu'il doit à son public, au pire une corvée inutile imposée par sa maison de disques. Il arrive sur scène la mine abattue et accueille les bravos avec gêne. Ça commence à aller mieux quand on le laisse se concentrer sur son mini-piano et on devine son soulagement quand l'attention du public se détourne vers celui de ses acolytes à qui il a demandé de faire le guignol (ces temps-ci Pep Pascual, le Général Acazar il y a quelques années, la bonne bouille de Gérard Meloux pouvant également faire l'affaire).

Enfin, tout cela c'est du passé. Pascal Comelade n'étant pas du genre à se laisser empoisonner la vie, il a mis au point avec l'aide de son compère Christian Laporte une fabuleuse machine qui pourra désormais étancher la soif de live de ses fans sans qu'il ait à quitter son canapé. Imaginez un orchestre tout en ferraille et bouts de tissus commandé par un simple bouton électrique et capable de jouer à l'infini le morceau Stranger in paradigm ! A ma gauche, en Chopin Lee Lewis, le maestro. Au centre, méconnaissable dans sa dégaine de moulin à vent, le Général Alcazar. A droite, le batteur dont je n'ai pas noté le nom mais dont le jeu métronomique n'est pas sans rappeler celui du grand Nick Knox.

Cet engin virtuose se produit actuellement à Sète, au fameux Musée International des Arts Modestes. Pour l'instant il ne sait jouer qu'un seul morceau ce qui, compte tenu des exigences du show business, est peut-être encore un peu court, même pour des premières parties. Enfin, ce n'est de toute façon qu'un début et je vous laisse juger par vous-même du cadeau que Comelade fait à l'industrie du spectacle en visionnant la vidéo ci-dessous réalisée par mes soins (appréciez le mouvement de caméra à 0'12'').





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Rocanrolorama de Pascal Comelade et Christian Laporte
Les territoires de l'Art Modeste
Musée International des Arts Modestes de Sète
Jusqu'au 2 octobre
http://www.miam.org/

11 mai 2010

Qui a tué le sergent Poivre ? - The Brian Jonestown Massacre

Who killed Sgt. Pepper ? Certainement pas Anton Newcombe. Le cadavre était déjà froid bien avant qu'il ne s'en occupe. Est-ce sa faute si les rockers veulent maintenant la retraite à 60 ans ?

J'aime beaucoup le dernier album du Brian Jonestown Massacre. Depuis quelques semaines c'est même un peu mon disque de chevet. Bien sûr, je lis ici ou là qu'il n'est pas bien. Que ce beat techno, ces guitares coldwave et ces voix trafiquées, ça n'est plus du BJM. Il y aurait tromperie sur la marchandise.

Et vous avez bien raison mes amis, Anton Newcombe vous trompe. Il a tout désossé, juste gardé le nom du groupe et balancé tout le reste : les tambourins, l'Amérique et le LSD. Il ne chante même pas sur tous les morceaux et, quand il chante, on peine à reconnaître sa voix. Il y a cette cavalcade lubrique taillée pour les dancefloors, braillée par une islandaise en chaleur. Et aussi, à la fin de l'album, ces bouts de voix de John Lennon posés sur une longue plage ambiant. Egalement au menu, une fantaisie en russe (Detka ! Detka ! Detka !), le recyclage au mélodica d'un hymne hooligan (Let's go fucking mental) et une tuerie toute en biceps (Feel it). Tout ça n'est pas cool. Ça sonne franchement européen (krautrock, indus, electro) et vraiment pas San Francisco.

Pour vous rendre compte, allez sur le site du groupe. Chaque morceau a été clippé. C'est assez bricolo, sans aucun souci du copyright. Une des vidéos est par exemple uniquement composée d'extraits du Alice au pays des merveilles de Disney ! La meilleure me semble être celle-ci (c'est le morceau qui ouvre l'album) :




Le 27 avril, je suis bien entendu allé voir les Brian Jonestown au Bataclan. Tout ce que Paris compte de jeunes rockers était de sortie. Sur scène se jouait un western spaghetti. Huit musiciens immobiles. Pas un sourcil qui bouge. Côté jardin, à l'abri derrière sa frange, Anton Newcombe surveillait ses acolytes et on se demandait bien lequel il allait flinguer en premier. Au centre, le clownesque Joel Gion secouait tambourins et maracas avec patience. Entre les deux, un revenant... le renégat Matt Hollywood, au manche de la quatrième (4e !) guitare. Le public (en or) était aux anges. Il avait à nouveau sous les yeux l'essentiel du line up devenu légendaire avec le film Dig ! Moi aussi j'étais content, sauf qu'ils se sont contentés de jouer leur Best of, c'est à dire la BO de Dig ! Pas un seul morceau du dernier album ! De retour au bercail ?

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Who killed Sgt. Pepper ?
The Brian Jonestown Massacre
a recording ltd. 2010

http://www.brianjonestownmassacre.com/
http://www.myspace.com/brianjonestownmassacre

30 mars 2010

74 bougies pour Lee Scratch Perry

Il fallait être à l'Elysée Montmartre le 20 mars dernier. Un affiche de rêve. Sur mon billet il y avait écrit "Lee Scratch Perry + Max Romeo + Adrian Sherwood + guest". A l'arrivée, personne n'a vu Adrian Sherwood car il était parait-il caché au balcon derrière sa console. Mais sur scène, divine surprise, the Congos ! En fait, nous apprend le guitariste qui chauffe la salle en attendant que les vieux lions se montrent, on fête ce soir les 74 ans de Lee. Ce sera sa soirée et Max et les Congos feront les vedettes américaines.

C'est Max Romeo qui ouvre les hostilités. Ce type a vraiment une classe folle. Toujours mince et élégant, les locks savamment mélangées, il roucoule de sa voix de crooner quelques hits, pour la plupart issus de War ina Babylon, le légendaire album jadis enregistré avec Lee. Avec Max, c'est boulevard du reggae. Tout en souplesse, pas une fausse note, impeccable. Un triomphal Chase the Devil repris à pleins poumons par toute la salle et voilà Max qui disparaît en coulisses au bout d'une grosse demi-heure au plus grand étonnement de l'assistance.

Pas le temps de gamberger, les Congos arrivent. Quatre pères Noël rastas, barbes blanches et air canaille. Des têtes à jouer dans Pirates des Caraïbes. Ils viennent de sortir un nouvel album qui s'appelle Back in the Black Ark du nom du mythique studio de Lee (c'est sa fête je te dis). On peut d'ailleurs se demander de quel Black Ark il s'agit puisque à ma connaissance ce studio a disparu dans un incendie en 1983. Aucune importance puisque l'album est justement produit par Lee ce qui explique leur présence ce soir. J'aime beaucoup les Congos. C'est un groupe vocal qui pratique une espèce de reggae planant. Leur leader a une voix à la Bee Gees assez stupéfiante, surtout vu son âge. Ce soir, leur répertoire oscille entre reggae mystique et soul psychédélique. On pense parfois à l'Exodus de Marley. A leur tour ils quittent la scène mais, à leur mine bonhomme, on comprend qu'ils vont bientôt revenir.

Un quart d'heure d'entracte plus tard les lumières s'éteignent. Revoilà nos musiciens. Est-ce pour l'anniversaire de Lee ? Ils portent maintenant des queues de pie rouge et des chapeaux haut de forme comme le personnage Johnny Walker. Ils ont aussi mis des lunettes avec des ampoules qui clignotent ce qui, dans la pénombre, est du plus bel effet. Des vidéos sont projetées sur un écran placé en fond de scène. On y verra s'agiter toute l'iconographie chère à Perry, en particulier le gorille des albums Super Ape rugissant tel King-Kong derrière l'Elysée Montmartre. L'infographiste s'est juste trompé d'anniversaire puisque qu'il écrit partout qu'on est là pour fêter les 75 ans de Lee ce qui le vieillit d'un an. Le voici justement qui entre sur scène. Il a sorti sa garde robe prussienne. Veste militaire (rouge ?) avec double rangée de boutons dorés et, sur la tête, on ne sait : est-ce une casquette plaquée or ou un casque à pointe ? Tout est si sombre. Pendant une bonne heure, Lee fait une démonstration de groove hypnotique. La concurrence est KO. C'est bien lui le plus fou, le plus intrépide, l'astre noir du reggae. Un magma sonore pris en tenaille entre une lourde basse dub et ses incantations rocailleuses. Il a beau le refaire le coup pour la millième fois, c'est toujours aussi envoûtant.

Rappels de rigueur. Surprise, à la place de Lee, c'est un sosie de Marilyn qui arrive. Une blonde platine avec un gâteau d'anniversaire. Elle minaude au micro un "Happy birthday mister president... Perry" des plus incongrus. Décidément ce gars n'a peur de rien. Heureusement Lee ne tarde pas à revenir sur scène accompagné de Max Romeo et des Congos. On a beau être dans un lieu public où personne ne fume, c'est fou le nombre de briquets qui s'allument quand Lee souffle ses bougies. Cette formalité accomplie, il lance un War ina Babylon endiablé entonné collegialement pas toutes nos reggae stars. Puis un morceau que je n'ai pas reconnu plus dans le registre des Congos.

Une sacrée soirée comme dirait l'autre.




PS. : il y avait un batteur que tout le monde avait l'air de connaitre et qui cabotinait comme un beau diable. Je cherche à savoir qui c'était. J'ai posé la question sur Reggae France mais à ce jour personne ne m'a répondu. Quelqu'un a la réponse ?

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Lee Scratch Perry + Max Romeo + the Congos
Elysée Montmartre - Paris
Le 20 mars 2010

21 septembre 2009

Can I go to Ceret ? - Pascal Comelade

Jusqu'au 31 octobre on peut visiter au musée d'art moderne de Ceret (Roussillon) l'exposition "Ceret, un siècle de paysages sublimés". Ceret a longtemps été à la peinture ce que Johnny B Good est au rock, un standard. Ses toits, son pont, le Canigou (mais assez peu ses habitants) ont été croqués par une flopée de kadors de la palette. L'exposition réunit quelques dizaines de ces toiles, l'ensemble composant un ensemble assez impressionnant. Dans le désordre : Soutine, Kisling, Duffy, Juan Gris, Picasso, Braque, Max Jacob, Masson et bien d'autres plus ou moins connus du grand public.

Comme souvent dans ce genre de rétrospective, la gêne commence à s'installer quand les commissaires, voulant sans doute démontrer que le miracle continue, décident d'exposer à la suite des génies sus cités les monumentales productions d'artistes contemporains de seconde division. C'est extrêmement bizarre : notre époque ne manque pas d'artistes passionnants. J'ai encore pu le vérifier pas plus tard que la semaine dernière à la galerie Art Factory où étaient exposés les dessins de l'énigmatique Ludovic Debeurme. Mais assez curieusement, ces artistes sont rarement ceux qu'on voit dans les musées d'art contemporain.


Je commençais à m'ennuyer un peu lorsque, au détour d'un couloir, alors que je pensais que l'expo était terminée, je tombe sur une silhouette du mont Canigou aux flancs couverts de textes. Un tableau lettriste ? Isidore Isou passait aussi ses vacances à Céret ? Coup d'oeil sur l'étiquette : ça s'appelle Can I go to Canigo ? et c'est une oeuvre du fameux musicien Pascal Comelade !!! Pascal Comelade au pinceau ? Lui d'habitude si peu bavard dans sa musique (quasiment que des instrumentaux), le voici contant par le détail quelques hauts faits survenus dans son village, Vernet les Bains, et dans ses environs : l'accident tragique de Maillol, la visite de Dali, la première ascension cycliste du Canigou ou encore l'affaire du chameau offert au casino par le pacha du Caire. Un peu peinture (le Canigou), de longs textes griffonnés en catalan et pas mal d'objets et d'images collés ici et là. Il doit s'agir d'un accrochage de dernière minute car Pascal Comelade n'est cité ni dans le catalogue ni dans même sur le site internet du Musée.

N'écoutant que mon courage j'ai bravé tous les interdits et pris pour vous quelques photos. En moins de deux, j'avais un gardien sur le dos exigeant que je les écrase. Comme vous le constatez, j'ai quand même réussi à en sauver une ou deux. J'ai donc filé comme un voleur sans demander mon reste. A peine sorti dans la rue, je suis tombé sur Pascal Comelade, en chair et en os, attablé à la terrasse du bistro jouxtant le musée. Le genre de coïncidence troublante dont Jonathan Coe tirerait 600 pages et un best seller.

Décidément Pascal Comelade est en train de devenir l'inconnu qu'on voit partout. Sa collection d'instruments jouets est en ce moment même exposée au Musée des arts décoratifs (j'en ai parlé sur ce blog il y a quelques semaines). On annonce pour les jours qui viennent un nouvel album et, les 15 et 16 octobre prochains, il jouera au Centre Pompidou.

Autant dire qu'on a pas fini d'en parler.


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Céret, un siècle de paysages sublimés
Musée d'art moderne de Céret
Jusqu'au 31 octobre 2009
http://www.musee-ceret.com/

27 juillet 2009

Tous les beaux joujoux que j'entends en rêve - Musique en jouets

Ceci est le flyer de l'exposition Musique en jouets que l'on peut voir actuellement au Musée des arts décoratifs. Inutile de vous équiper de chaussures de marche, ça se passe dans la galerie des jouets, c'est-à-dire trois salles en enfilade et c'est fini.

C'est l'occasion pour le Musée de sortir de ses réserves un tas de musiciens en bois et d'instruments de poche, tous plus beaux les uns que les autres, mais bien entendu sous vitrines des fois que quelqu'un (ou pire un enfant !) ait l'idée de jouer avec.

Mais ce n'est pas tout. Le site de l'expo nous indique que "Musique en jouets invite également cinq artistes, respectivement musiciens, designers sonores et collectionneurs, pour qui le jouet occupe une place importante dans leur univers, à créer de grandes installations".

On commence donc avec une première vitrine consacrée à la collection d'instruments-jouets de l'éminent Pascal Comelade. Un air de déjà vu pour ceux qui ont eu la bonne idée de se procurer le superbe catalogue édité par le Museu del juguet de Catalunya où ces mêmes jouets avaient été exposés en 2003. On y retrouve donc avec plaisir la guitare en plastique graphée par (entre autres) Willem et Max, un wash board qui, apprend-on en lisant le panneau d'information, appartenait à Ursula et Boris Vian (mazette !) et bien sûr le petit pistolet à baffes qui figure sur le flyer. Tout ce bric-à-brac est réuni sous le titre d'Outils sonoto-luddiques. Sur le site de l'expo, on peut visionner une interview de Pascal Comelade qui donne à ce sujet des explications épatantes.

Ça s'anime avec l'installation Nabaz'mob de Jean-Jacques Birgé et Antoine Schmidtt. Imaginez un choeur wagnérien composé de cents petits lapins lumineux exécutant dans la pénombre une étrange chorégraphie. On dirait des gants de vaisselle à deux doigts, gonflés. Sur leur ventre, des points lumineux s'allument et s'éteignent, changent de couleur. Leurs oreilles montent et descendent. Ils murmurent (bizarre pour des lapins !) un opéra électronique à la John Cage. L'ensemble est tout à fait inquiétant et, n'ayons pas peur des mots, assez fascinant. Pour en savoir plus, cliquez ici.

La troisième vitrine présente la collection de jouets électroniques "vintages" d'un certain Eric Schneider. J'ai surtout remarqué le stylophone, le même que mes parents m'avaient ramené d'un voyage en Angleterre dans les années soixante-dix. Impossible d'oublier la tête de l'inventeur qui bonimente sur l'emballage. Bowie sur le morceau Space Oddity ou Kraftwerk sur Pocket calculator l'ont utilisé. Là aussi c'est chouette mais on écoute avec les yeux. Pour entendre certains de ces joujoux, on peut consulter la bibliothèque de sons que le sympathique propriétaire de la collection a mis en ligne sur son site perso miniorgan.com .

On termine par une installation de Pierre Bastien qui s'est de longue date bâti une réputation avec ses installations sonores en mécano. Ça tourne, ça gratte, c'est assez joli et en plus ça s'écoute. Gros succès auprès des curieux. Bientôt un mécano revival ? Vu le nombre de japonais que j'ai vu prendre la chose en photo, ce n'est pas à exclure.


On quitte l'exposition par une salle remplie de peintures de Jean Dubuffet. Mais que fait donc le gourou de l'art brut au Musée des arts décoratifs ? Il a apparemment fait un don de 150 oeuvres. Du coup, il a droit a son portrait dans l'escalier des donateurs. Tous les généreux bienfaiteurs du Musée y sont croqués par le dessinateur Floc'h dans son inimitable style ligne claire aristocratique. On se croirait dans la page de garde d'un album de Tintin sauf qu'à la place de Milou et du capitaine Haddock, on contemple Jean Dubuffet aux côtés du Prince Louis de Polignac et de la Baronne Nathaniel de Rotschild. Asphyxiante compagnie !

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Musique en jouets
jusqu'au 8 novembre
au Musée des arts décoratifs - 107 rue de Rivoli 75001 Paris

23 juillet 2009

Initials BB - BB Brunes & BB King

Mardi soir, ma fille de 14 ans est allée voir les BB Brunes aux arènes de St Vincent de Tyrosse (Landes). Elle me dit que le concert était fabuleux : "Adrien et Felix sont hyper-maigres. On était à deux mètres d'eux quant ils sont entrés dans les arènes. Quant à Karim il a vraiment la rock attitude. Il fume tout le temps et il boit entre les morceaux. Trop la classe !" J'ai pu vérifier sur Youtube que l'ambiance était effectivement teenage. Les musiciens ont 20 ans et les premiers rangs 5 de moins. Les filles connaissent les paroles par coeur. Dès que le chanteur fait un petit saut, elles se mettent toutes à crier comme au bon vieux temps. Pour une fois qu'elles ne se liquéfient pas pour des garçons coiffeurs, on ne va pas se plaindre. Là au moins on entend la guitare.

De mon côté j'étais à Paris. Le lendemain (c'est-à-dire hier mercredi), je suis allé voir BB King. Mêmes initiales, même ferveur mais trois générations d'écart et un tout autre décorum. D'abord le Palais des Congrès : type en costard qui vous déchire le billet, ouvreuse qui vous place, programme sur papier glacé et air conditionné. Pas à dire, ça change de l'Elysée Montmartre ! Le public est composé pour moitié de chauves et pour le reste d'auditeurs de FIP. BB est accueilli comme le monstre sacré qu'il est. Il ne tient plus trop debout. A 83 ans, ses genoux ne sont plus très solides. Assis sur sa chaise, dans sa veste à paillettes, il fait le show. Son jeu de guitare est toujours foudroyant et il chante vraiment comme un dieu. Il parle beaucoup aussi. Je n'ai pas tout compris mais à entendre les gorges déployées de mes voisins, il a dû en sortir deux trois pas mauvaises. Là aussi, vous pouvez vérifier. Les vidéos sont déjà sur Youtube. Tout ce que je dis est vrai.

BB Brunes ou BB King, petits coqs ou vieux sage, BB c'est vraiment de la bombe ! On me murmure à l'oreillette que, si juillet est le mois des BB, août sera celui des CC. Le retour des 10CC ?

9 juillet 2009

L'oeil américain - Tony Truant & ses deux solutions

Les rares fois où j'ai lu des choses sur Tony Truant, il était question de son curriculum vitae. Il a commencé avec ceux-ci, il joue maintenant avec ceux là. L'air de dire : regardez comme ce type sait se mettre à la bonne avec les champions, il doit bien en rester quelque chose dans ses propres disques. Le problème avec Tony, c'est que ses disques ne ressemblent que d'assez loin avec ce qu'il a pu faire avec ses ex ou futurs acolytes.

Ce que je préfère chez Tony, ce sont ses paroles. Lui cite Dylan, les critiques lui répondent Audiard. A quoi bon choisir, c'est ni l'un ni l'autre. Dans les meilleurs moments, ça peut donner des choses comme : "Le vert qui tire vers le bleu est glauque /Aussi ai-je déterré mon tomahawk" ou "Dans la cour Balthazar fait des ronds / ce n'est pas pour plaire à l'administration". On retiendra également le définitif : "Je ne jouerai pas à Eurodisney / Je veux rester dans mon lit / Pas la peine de polémiquer / dans mon lit toute la vie". Dans un registre plus cocasse, "Elle est raide / j'ai du mal à l'avaler / elle est raide / je vais encore en baver" ou encore "J'ai pris du speed / pour tenter d'être moins stupide". Vous avez déjà entendu des trucs comme ça à la radio ? Moi jamais.

Premier album en 1989 signé Tony Truant et le Million Bolivar Quartet. La chose s'appelle "Your room is ready sir !". Du rock pas sorti du garage. Une production qui a un peu vieilli mais quelques chouettes titres ("Je conduis des mules", "Je suis contre", "Le tonnerre gronde") et un morceau d'anthologie, "G2LOQ". 4'05'' d'osmose parfaite entre l'écriture quasi automatique de Tony et la guitare de son ami et maître, l'infiniment regretté Dominique Laboubée. Le tout sur l'éphémère label Bird Production qui disparaît quelques temps après.

Son deuxième album, paru en 1994, est son chef d'oeuvre : "Pupille mon oeil" par Tony Truant et Dignes Dindons. On l'a quitté rocker puriste et provincial. Le voici accompagné de la fine fleur des musicos parisiens. Des guitares mais aussi des cordes, du piano, du ukulélé. Les accusations fusent : Tony s'est vendu à la variété. De fait, la plupart des morceaux n'ont plus grand chose à voir avec le rock à guitares. Arrangements luxuriants et textes inclassables. Mes préférées : "Fais pas chier quand je travaille", "Elle est raide", "Dernière sensation", "Mort mort mort mort", "En coulisse". Ce qui aurait dû être un coup de Trafalgar tourne au pétard mouillé. Le label New Rose Fnac qui édite le disque est moribond. Rien ne va plus.

En 1996 parait "Radio Château Rouge" par Tony Truant et son négligé. Si, sur le fond, l'album est un peu dans la même veine que le précédent, on sent que, dans la forme, les moyens financiers n'ont pas été les mêmes. Il y a quand même un manifeste qui aurait pu devenir un tube ("Je ne jouerai pas à Eurodisney") et quelques autres bon moments ("Ma fiancée s'est fait la malle", "Tout ce bordel au nom de Dieu"). Après, plus rien pendant sept ans.

Revoilà Tony en 2003 avec "Ovomaltine, benzedrine et vengeance" de Tony Truant et ses 2 solutions. Retour au rock garage avec un power trio. Pour la première fois sous son nom, des reprises : "Le Pivert" de Ronnie Bird (de la bombe), "Toto" des Wampas (du napalm) et "Pas Gentille" de je ne sais pas qui (de l'amour). C'est rugueux et tonique. Les guitares grattent, la batterie roule. Comme on dit, ça déménage.

Nous sommes en 2009. Cinquième album et cinquième maison de disque. Cette fois-ci, Tony won't be fooled again. Il le publie à ses frais sur son propre label, Poussinet. Ça s'appelle "L'oeil américain" et c'est à nouveau signé Tony Truant et ses 2 solutions. Toujours en power trio. Tony toujours à la guitare mais les autres musiciens ont changé. L'album est sympa mais moins affolant que le précédent. Que dire, c'est moins tendu, plus attendu. Heureusement, Tony a eu l'heureuse idée de placer en bonus les titres du maxi enregistré en 2005 avec les inénarrables Fleshtones et qui n'était sorti qu'en vinyle (entre autres, une version gaillarde de "Maman n'aime pas ma musique"). Superbe pochette. Tony en vieux sage, les joues creuses, le regard qui voit loin. Pour ne pas gâcher la photo, Tony n'a pas mis son nom dessus. Le genre de fantaisie que peut se permettre (et encore) Prince. J'espère qu'en plus d'un oeil américain il a un oncle d'Amérique pas radin sur les dollars.

Il m'est arrivé d'avoir cette vision étrange : j'allume la télé et je vois Tony. L'animateur lui pose de gentilles questions, lui demande s'il participera encore aux enfoirés cette année et le remercie d'être venu présenter en avant-première son nouveau tube. Un public casté de beaux jeunes gens aux dents blanches l'applaudit à tout rompre. Et tout ça parait hyper-normal.


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Tony Truant & ses 2 solutions
L'oeil américain
Poussinet 2009

Tony Truant
On the rocks (compilation de ses 4 premiers albums)
Poussinet 2005

www.myspace.com/tonytruant

5 juillet 2009

Rêves de rock - Guy Peellaert

Vous vous souvenez de l'album "Bye Bye, Bye Baby, Bye Bye" plus connu sous le nom de "Rock Dreams" (son sous-titre) ? C'était en 1973. Guy Peellaert offrait à la jeunesse pop un brévière d'images à la fois édifiantes et stupéfiantes. En vrac, une orgie avec les Stones, les Beatles prenant le thé avec la Reine, Johnny Cash au bagne, Janis comateuse. Une mythologie tout droit sortie des transistors, une divine comédie avec ses rois, ses bouffons, ses loosers et ses renégats. La planche sur Ray Charles est particulièrement réussie. On a tout simplement pas envie que ce type si talentueux soit aveugle alors que tous ces cons racistes qui remplissent les rues ont leurs deux yeux. Peellaert le représente au volant d'une limousine, cruisant avec une starlette (blanche) blotie sur l'épaule. Ca y est, le monde est parfait, tout est rentré dans l'ordre. Ces images étaient tellement justes que, dès 1974, David Bowie et les Rolling Stones commandèrent à Peellaert la pochette de leur nouvel album (Diamond Dogs et It's Only Rock'n Roll).

Mon exemplaire de Rock Dreams est complètement débroché. A l'époque, Albin Michel lésinait sur la colle. Toutes les pages se sont détachées ce qui fait que je n'ai jamais vu certaines planches autrement que coupées en deux par la reliure.

Heureusement, le Musée Maillol a eu la bonne idée de rendre hommage à Guy Peellaert (il nous a quitté en novembre dernier) en exposant une trentaine de planches originales de Rock Dreams. Ce n'est pas ultra spectaculaire car elles sont à peine plus grandes que dans l'album (mais elles sont d'un seul tenant). De plus les techniques employées par Peellaert (projection, aérographe, pastel) laissent assez peu voir le travail de l'artiste. Une des planches, celle avec Phil Spector, provient de la collection de Robert Combas. J'avais déjà remarqué il y a quelques années dans une expo une toile de Fleury-Joseph Crépin lui appartenant. Ce type doit avoir une collection infernale. On peut également voir une maquette de la pochette de It's Only Rock'n Roll. Une superbe composition dans le genre peplum. Les Stones triomphants acclamés par une foule de jeunes beautés païennes. Des dizaines de photos découpées on ne sait où, minutieusement redimensionnées à la photocopieuse puis assemblées, placées et replacées et enfin collées unes à unes. Un boulot de maniaque. C'est beau comme Ben-Hur.

Pour finir, je voudrais signaler cette trouvaille du Musée Maillol qui a eu la curieuse idée d'éditer un catalogue de l'exposition. Curieuse parce que les planches exposées sont extraites d'un album qui en comporte bien d'autres. L'acheteur du catalogue se retrouve donc avec le tiers des planches de l'album alors que celui-ci a été réédité maintes fois depuis sa parution (et en plus avec des reliures en béton). Catalogue à réserver aux Peellaertolâtres donc.

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BYE BYE, BYE BABY, BYE BYE GUY PEELLAERT
Jusqu'au 28 septembre 2009
au Musée Maillol - 61 rue de Grenelle 75007 Paris