7 août 2009

Summer of the 80's

Cet été, Arte nous concocte une programmation spécial 80's. Ca se passe le mardi et le jeudi. Comme je ne regarde pas beaucoup la télé, je ne pourrai pas en dire grand chose mais, au vu du programme, c'est dans l'ensemble un florilège de ce que l'époque a produit de plus mauvais. D'ailleurs les pages consacrées à l'émission sur le site d'Arte l'explique bien : "On perçoit trop souvent ces années comme un mélange de mauvais goût vestimentaire, d’abandon idéologique et de règne de l’argent roi". Et pour bien enfoncer le clou dans le cercueil de ces années paillettes et fric, Arte Editions sort un produit dérivé de l'émission (sic), un album de BD où sont réunies les visions des eighties d'une quinzaine de représentants plus ou moins confirmés du 9e art.

Autant dire que dans la plupart des cas c'est consternant. On a droit à une série de clichés déjà vus et entendus mille fois ailleurs. Les gens étaient tous mal fringués (épaulettes), mal coiffés, la musique était nulle (Jeanne Mas), etc. C'est aussi idiot que si on résumait les années 2000 à Roselyne Bachelot et aux poufs de la télé-réalité. Ou les années 70 à Guy Lux et aux Sous-Doués. Pour se donner une idée du niveau, il faut voir ce strip qui figure sur la page qui ouvre l'album. Pauvre Oncle Paul, ce manifeste est signé Emile Bravo et c'est épuisant.



Tous ces besogneux qui débitent leur prêt à penser sont d'autant moins excusables que, pour ce qui est de leur domaine, la BD, les années 80 ont été particulièrement fertiles. Il suffit de se reporter aux sommaires des revues de l'époque : Métal Hurlant, l'Echo des Savanes (dans ses diverses formules), (A Suivre), Viper ou à l'étranger el Vibora ou Raw. Sans parler des éditeurs : Humanoïdes Associés, Futuropolis, Magic Strip, Artefact. N'en jetez plus ! Que trouveront-ils bien à dessiner sur les années 2000 !

D'ailleurs les promoteurs de ce projet ne s'y sont pas trompés. Ils ont habillé leur méfait d'une superbe couverture signée Serge Clerc dont le style, à la fois ligne claire et rock, est si emblématique de ces années. Évidemment, ça a plus d'allure que les singeries d'Emile Bravo.


En plus de la couverture, le légendaire dessinateur espion livre ici quelques planches qu'on jurerait avoir été dessinées pour servir de bonus à la version deluxe de son album Le Journal. En fin observateur, Serge clerc a bien remarqué que le mouvement esthétique qui avait dominé les années 80 prenait ses racines dans la fin des années 70. Il fait donc débuter son récit en 76, année où il arrive à Paris. Le punk, les clubs, les radio libres. Et la bande son : les Clash, Kid Créole, le ska, les B-52's. Le récit se termine en 1984 ce qui correspond au point d'orgue de la première partie de sa carrière, l'album La Légende du Rock'n Roll. Un âge d'or qui s'étendrait de 1976 à 1984 ? Pourquoi pas. J'ai toujours pensé que la culture pop fonctionnait sur des cycles 11 ans : la moitié en âge d'or, le reste en décadence. 1955 : le rock'n roll, James Dean. 1966 : le Swinging London et les hippies. 1977 : le punk et le disco. 1988 : le rap, l'électro et le grunge. A partir de 1999 ça ne marche plus. En tout cas je ne me suis aperçu de rien.


Alfred & Chauvel signent l'autre contribution vraiment intéressante. Je ne sais pas quel âge ils ont mais eux aussi ont remarqué que la bande son des années 80 ne se limitait pas à Jean-Jacques Goldman et à la princesse Stéphanie. L'occasion de revenir sur les mythiques Specials et leur hit Ghost Town. Une sorte de clip graphique avec en préambule un speaker "Vous vous souvenez ? Eté 1981, en haut des charts, the Specials avec leur chanson Ghost Town. Selon de nombreux musicologues, aucune autre chanson arrivée en tête des hit-parades anglais n'a plus jamais réussi un tel tour de force, celui d'incarner tout à la fois l'état politique, social et économique d'un pays tout entier." Après, une suite d'images légendées avec les paroles de la chanson. Mettez le disque et laissez courir vos yeux. C'est magnifique.

Pour finir, une mention spéciale à l'autre rescapé des 80's au sommaire de cet album (je mets de côté Philippe Paringaux), je veux parler de Jean-Claude Denis qui a réussi à placer des planches qui ne parlent pas des années 80. Bien sûr il y a quelques cases avec un peu de name dropping vintage (Tchernobyl, le sida, Reagan, Tapie, etc.) puis plus rien. Peut être un fond de tiroir retouché pour l'occasion. Ce Jean-Claude Denis est vraiment trop fort !

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Summer of the 80's
80 pages
Arte Editions et Dargaud