25 mars 2011

Le musée invisible de William Burroughs

Les éditions Tristram nous gratifient à nouveau d'une merveille. Le Porte-Lamme (astucieuse traduction de l'impossible "Blade Runner") est un mini-roman de William Burroughs datant de 1979 et qui était, on se demande bien pourquoi, resté inédit en Français. On lit ces pages avec trente ans de retard et pourtant on jurerait qu'elles ont été écrites avant-hier par un Barak Obama sous acides pour défendre sa réforme de la couverture santé.
"Le sujet du film [du roman] est l'avenir de la médecine et du genre humain". Et c'est peu dire qu'il n'est pas rose ! En 2014, New York est devenu une gigantesque Babylone où survivent gangs, soldats du Christ, lépreux et tarés génétiques en tous genres. C'est justement pour éliminer ces derniers que le gouvernement décide d'interdire les médicaments. Mais les américains sont les américains. La prohibition, ils connaissent ! Laboratoires clandestins et cliniques insalubres ne tardent pas à fleurir à chaque coin de rue et, pour les fournir, des gamins comme Billy arpentent le bitume chargés de médicaments interdits. Ce sont les Blade Runners.

Une des bonnes surprises du roman se trouve page 51 : Burroughs nous y laisse entrevoir son Musée imaginaire. Ou plutôt son musée invisible pour reprendre la formule lancée par Nathaniel Herzberg pour désigner une réunion de tableaux volés. Ce qui est bien le cas ici. La scène se déroule dans le local des porte-lames Billy et Roberts : "Les murs du local sont couverts de peintures, de dessins, de BD et de photos, pour la plupart des oeuvres d'artistes anonymes. Certaines pièces ont été dérobées dans des musées ou des collections privées pendant des évènements : Custer's Last Stand de Paxson, the Swimming Hole d'Eakins, des agrandissements de photos anciennes comme Water Rats et Sterne Reality de Sutcliffe, des photos prises par le baron von Gloeden, des photos de New York au 19e siècle et au début du 20e."

Suivez le guide !

Custer's Last Stand (1899) de Edgar S. Paxson (1852-1919)

On prête au général Custer l'aimable "Un bon indien est un indien mort". En fait on est pas sûr que ce soit lui qui l'ait vraiment dite mais, dans le doute, Sitting Bull et ses troupes l'ont liquidé en 1876 sur le champ de bataille de Little Big Horn. Au fil des pages, Burroughs cite à trois reprises ce tableau.

The Swimming Hole (1884-1885) de Thomas Eakins (1844-1916)

Après l'apocalypse, le paradis perdu. Avec de beaux Adam pas à l'étroit dans leur maillot de bain.

Water Rats et Sterne Reality de Frank Sutcliffe (1853-1941)

Contrairement à Paxton et Eakins qui étaient américains, Francis Meadow Sutcliffe était un photographe anglais. Il existe un site très complet sur son oeuvre. Pour le découvrir, cliquez ici.
Le baron Wilhelm von Gloeden (1856-1931)

Je laisse le soin à Google de vous guider jusqu'aux photos du baron von Gloeden qui n'aimait rien tant que de photographier de jeunes siciliens au pénis bien charnu. J'en mets quand même une petite tout en n'étant pas certain que ce serait celle-là que Burroughs aurait choisi pour son Musée.


Mercure, le Porte-lame

La visite continue page 52 : "Image grandeur nature d'un garçon nu en érection, avec les sandales et le casque ailé du dieu Mercure. Peint dans des tons roses et bleus criards, ce tableau est inséré dans un somptueux cadre doré. Le garçon pose sur fond de villes en flammes à la Jérôme Bosch : Le Porte-lame."

Cette toile existe-t-elle ? A mon avis le plus simple serait de la commander à Pierre et Gilles qui avec un sujet pareil feraient des miracles.

Fin de la visite du musée invisible de William Burroughs. Mais au fait, qu'en ont pensé les porte-lamme ? "Billy et Roberts s'immobilisent devant le tableau et tirent à pile ou face pour savoir qui va faire la cuisine."

A table !

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Le Porte-lame
Blade Runner (A Movie)
William Burroughs
Editions Tristram 2011