27 juillet 2009

Tous les beaux joujoux que j'entends en rêve - Musique en jouets

Ceci est le flyer de l'exposition Musique en jouets que l'on peut voir actuellement au Musée des arts décoratifs. Inutile de vous équiper de chaussures de marche, ça se passe dans la galerie des jouets, c'est-à-dire trois salles en enfilade et c'est fini.

C'est l'occasion pour le Musée de sortir de ses réserves un tas de musiciens en bois et d'instruments de poche, tous plus beaux les uns que les autres, mais bien entendu sous vitrines des fois que quelqu'un (ou pire un enfant !) ait l'idée de jouer avec.

Mais ce n'est pas tout. Le site de l'expo nous indique que "Musique en jouets invite également cinq artistes, respectivement musiciens, designers sonores et collectionneurs, pour qui le jouet occupe une place importante dans leur univers, à créer de grandes installations".

On commence donc avec une première vitrine consacrée à la collection d'instruments-jouets de l'éminent Pascal Comelade. Un air de déjà vu pour ceux qui ont eu la bonne idée de se procurer le superbe catalogue édité par le Museu del juguet de Catalunya où ces mêmes jouets avaient été exposés en 2003. On y retrouve donc avec plaisir la guitare en plastique graphée par (entre autres) Willem et Max, un wash board qui, apprend-on en lisant le panneau d'information, appartenait à Ursula et Boris Vian (mazette !) et bien sûr le petit pistolet à baffes qui figure sur le flyer. Tout ce bric-à-brac est réuni sous le titre d'Outils sonoto-luddiques. Sur le site de l'expo, on peut visionner une interview de Pascal Comelade qui donne à ce sujet des explications épatantes.

Ça s'anime avec l'installation Nabaz'mob de Jean-Jacques Birgé et Antoine Schmidtt. Imaginez un choeur wagnérien composé de cents petits lapins lumineux exécutant dans la pénombre une étrange chorégraphie. On dirait des gants de vaisselle à deux doigts, gonflés. Sur leur ventre, des points lumineux s'allument et s'éteignent, changent de couleur. Leurs oreilles montent et descendent. Ils murmurent (bizarre pour des lapins !) un opéra électronique à la John Cage. L'ensemble est tout à fait inquiétant et, n'ayons pas peur des mots, assez fascinant. Pour en savoir plus, cliquez ici.

La troisième vitrine présente la collection de jouets électroniques "vintages" d'un certain Eric Schneider. J'ai surtout remarqué le stylophone, le même que mes parents m'avaient ramené d'un voyage en Angleterre dans les années soixante-dix. Impossible d'oublier la tête de l'inventeur qui bonimente sur l'emballage. Bowie sur le morceau Space Oddity ou Kraftwerk sur Pocket calculator l'ont utilisé. Là aussi c'est chouette mais on écoute avec les yeux. Pour entendre certains de ces joujoux, on peut consulter la bibliothèque de sons que le sympathique propriétaire de la collection a mis en ligne sur son site perso miniorgan.com .

On termine par une installation de Pierre Bastien qui s'est de longue date bâti une réputation avec ses installations sonores en mécano. Ça tourne, ça gratte, c'est assez joli et en plus ça s'écoute. Gros succès auprès des curieux. Bientôt un mécano revival ? Vu le nombre de japonais que j'ai vu prendre la chose en photo, ce n'est pas à exclure.


On quitte l'exposition par une salle remplie de peintures de Jean Dubuffet. Mais que fait donc le gourou de l'art brut au Musée des arts décoratifs ? Il a apparemment fait un don de 150 oeuvres. Du coup, il a droit a son portrait dans l'escalier des donateurs. Tous les généreux bienfaiteurs du Musée y sont croqués par le dessinateur Floc'h dans son inimitable style ligne claire aristocratique. On se croirait dans la page de garde d'un album de Tintin sauf qu'à la place de Milou et du capitaine Haddock, on contemple Jean Dubuffet aux côtés du Prince Louis de Polignac et de la Baronne Nathaniel de Rotschild. Asphyxiante compagnie !

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Musique en jouets
jusqu'au 8 novembre
au Musée des arts décoratifs - 107 rue de Rivoli 75001 Paris

23 juillet 2009

Initials BB - BB Brunes & BB King

Mardi soir, ma fille de 14 ans est allée voir les BB Brunes aux arènes de St Vincent de Tyrosse (Landes). Elle me dit que le concert était fabuleux : "Adrien et Felix sont hyper-maigres. On était à deux mètres d'eux quant ils sont entrés dans les arènes. Quant à Karim il a vraiment la rock attitude. Il fume tout le temps et il boit entre les morceaux. Trop la classe !" J'ai pu vérifier sur Youtube que l'ambiance était effectivement teenage. Les musiciens ont 20 ans et les premiers rangs 5 de moins. Les filles connaissent les paroles par coeur. Dès que le chanteur fait un petit saut, elles se mettent toutes à crier comme au bon vieux temps. Pour une fois qu'elles ne se liquéfient pas pour des garçons coiffeurs, on ne va pas se plaindre. Là au moins on entend la guitare.

De mon côté j'étais à Paris. Le lendemain (c'est-à-dire hier mercredi), je suis allé voir BB King. Mêmes initiales, même ferveur mais trois générations d'écart et un tout autre décorum. D'abord le Palais des Congrès : type en costard qui vous déchire le billet, ouvreuse qui vous place, programme sur papier glacé et air conditionné. Pas à dire, ça change de l'Elysée Montmartre ! Le public est composé pour moitié de chauves et pour le reste d'auditeurs de FIP. BB est accueilli comme le monstre sacré qu'il est. Il ne tient plus trop debout. A 83 ans, ses genoux ne sont plus très solides. Assis sur sa chaise, dans sa veste à paillettes, il fait le show. Son jeu de guitare est toujours foudroyant et il chante vraiment comme un dieu. Il parle beaucoup aussi. Je n'ai pas tout compris mais à entendre les gorges déployées de mes voisins, il a dû en sortir deux trois pas mauvaises. Là aussi, vous pouvez vérifier. Les vidéos sont déjà sur Youtube. Tout ce que je dis est vrai.

BB Brunes ou BB King, petits coqs ou vieux sage, BB c'est vraiment de la bombe ! On me murmure à l'oreillette que, si juillet est le mois des BB, août sera celui des CC. Le retour des 10CC ?

12 juillet 2009

Ceesepe, mort ou vif

C'était il y a une dizaine d'années. Alors que je flânais dans la vieille ville de Pampelune, mes pas me conduisirent devant une petite boutique à la façade en bois peint. Coup d'oeil dans la vitrine. C'est ma chance, me dis-je, j'ai trouvé la librairie spécialisée du coin sans même la chercher. A l'intérieur, déception, des comics et des mangas partout. La BD franco-belge ne se vend plus me dit le propriétaire des lieux. Je m'étonne du peu d'auteurs espagnol sur ses étals. Vous cherchez quoi ? Je réponds Ceesepe (j'aurais aussi bien pu dire Torres, Max ou Mariscal). Le type hoche la tête. Non, je n'ai rien de lui. De toute façon il est mort.

Je dois dire que, passé l'étonnement, j'ai trouvé cette nouvelle tristement plausible. Cela faisait des années que je n'avais rien vu le concernant et j'imaginais sans peine les conséquences désastreuses qu'avaient dû avoir sur sa santé les cadences infernales de la movida. Vivre toute la journée dans un film d'Almodovar ne devait à l'évidence pas être de tout repos.

On doit d'ailleurs à Ceesepe les affiches de deux films d'Almodovar : Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980) et La loi du désir (1987). Il était un des piliers de la revue BD ultra-branchée El Vibora. De ce côté-ci des Pyrénées, il a publié Barcelona by Night (Humanoïdes associés - 1982) et Paris-Madrid (Artefact - 1985). On a pu voir quelques-uns de ses dessins dans Métal Hurlant. C'est aussi lui qui a signé la pochette de El primitivismo de Pascal Comelade (1988).

Il y a quelques jours, je demande à Google des infos sur Ceesepe. Direction Wikipedia Espagne. Tiens, ils n'ont pas mentionné qu'il était mort ! Et un peu plus bas, l'URL de son site perso. Ah bon ? Alleluïa, Ceesepe est vivant ! (par bonheur, je connais si peu de gens qui ont entendu parler de lui que je n'avais pas vraiment eu l'occasion de colporter la macabre fausse nouvelle).

J'apprends que Ceesepe s'appelle en réalité Carlos Sanchez Perez et qu'il a formé son nom d'artiste à partir de ses initiales (en castillan : Ce-ese-pe). Son site Internet est assez conventionnel (cv, dossiers de presse, contact, etc.). On y voit quand même pas mal d'oeuvres récentes (dont quelques acryliques sur papier à vendre). Toujours des chicas à la pelle, des compositions étourdissantes, des couleurs généreuses et de plus en plus de samplings visuels.


Franchement plus étonnant, le blog graphique que Ceesepe a tenu en 2008. Ca s'appelle Ceesepe calendario. Je n'en ai pas vraiment compris le principe mais les 130 vignettes que l'on peut y voir sont un bonheur pour les yeux. Du Mac à gogo avec des pin-ups, des actrices et aussi quelques autoportraits.

On peut enfin voir sur Youtube quelques courts mètrage de l'artiste. Dès que je suis assez calé, j'insère ci-dessous El Beso, vidéo qui date de 1980 et qui montre son travail de l'époque. En attendant, cliquez ici.

Bien sûr, on aimerait voir tout ça de plus près (je parle des dessins et des peintures). Alors, grandes galeries et petits musées, à quand une rétrospective Ceesepe ? Devra-t-on attendre comme pour Peellaert qu'il soit mort ? (je rigole...)

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Ceesepe sur Internet :
http://www.ceesepe.net/
http://ceesepe.blogspot.com/
http://www.youtube.com/carlosceesepe

9 juillet 2009

L'oeil américain - Tony Truant & ses deux solutions

Les rares fois où j'ai lu des choses sur Tony Truant, il était question de son curriculum vitae. Il a commencé avec ceux-ci, il joue maintenant avec ceux là. L'air de dire : regardez comme ce type sait se mettre à la bonne avec les champions, il doit bien en rester quelque chose dans ses propres disques. Le problème avec Tony, c'est que ses disques ne ressemblent que d'assez loin avec ce qu'il a pu faire avec ses ex ou futurs acolytes.

Ce que je préfère chez Tony, ce sont ses paroles. Lui cite Dylan, les critiques lui répondent Audiard. A quoi bon choisir, c'est ni l'un ni l'autre. Dans les meilleurs moments, ça peut donner des choses comme : "Le vert qui tire vers le bleu est glauque /Aussi ai-je déterré mon tomahawk" ou "Dans la cour Balthazar fait des ronds / ce n'est pas pour plaire à l'administration". On retiendra également le définitif : "Je ne jouerai pas à Eurodisney / Je veux rester dans mon lit / Pas la peine de polémiquer / dans mon lit toute la vie". Dans un registre plus cocasse, "Elle est raide / j'ai du mal à l'avaler / elle est raide / je vais encore en baver" ou encore "J'ai pris du speed / pour tenter d'être moins stupide". Vous avez déjà entendu des trucs comme ça à la radio ? Moi jamais.

Premier album en 1989 signé Tony Truant et le Million Bolivar Quartet. La chose s'appelle "Your room is ready sir !". Du rock pas sorti du garage. Une production qui a un peu vieilli mais quelques chouettes titres ("Je conduis des mules", "Je suis contre", "Le tonnerre gronde") et un morceau d'anthologie, "G2LOQ". 4'05'' d'osmose parfaite entre l'écriture quasi automatique de Tony et la guitare de son ami et maître, l'infiniment regretté Dominique Laboubée. Le tout sur l'éphémère label Bird Production qui disparaît quelques temps après.

Son deuxième album, paru en 1994, est son chef d'oeuvre : "Pupille mon oeil" par Tony Truant et Dignes Dindons. On l'a quitté rocker puriste et provincial. Le voici accompagné de la fine fleur des musicos parisiens. Des guitares mais aussi des cordes, du piano, du ukulélé. Les accusations fusent : Tony s'est vendu à la variété. De fait, la plupart des morceaux n'ont plus grand chose à voir avec le rock à guitares. Arrangements luxuriants et textes inclassables. Mes préférées : "Fais pas chier quand je travaille", "Elle est raide", "Dernière sensation", "Mort mort mort mort", "En coulisse". Ce qui aurait dû être un coup de Trafalgar tourne au pétard mouillé. Le label New Rose Fnac qui édite le disque est moribond. Rien ne va plus.

En 1996 parait "Radio Château Rouge" par Tony Truant et son négligé. Si, sur le fond, l'album est un peu dans la même veine que le précédent, on sent que, dans la forme, les moyens financiers n'ont pas été les mêmes. Il y a quand même un manifeste qui aurait pu devenir un tube ("Je ne jouerai pas à Eurodisney") et quelques autres bon moments ("Ma fiancée s'est fait la malle", "Tout ce bordel au nom de Dieu"). Après, plus rien pendant sept ans.

Revoilà Tony en 2003 avec "Ovomaltine, benzedrine et vengeance" de Tony Truant et ses 2 solutions. Retour au rock garage avec un power trio. Pour la première fois sous son nom, des reprises : "Le Pivert" de Ronnie Bird (de la bombe), "Toto" des Wampas (du napalm) et "Pas Gentille" de je ne sais pas qui (de l'amour). C'est rugueux et tonique. Les guitares grattent, la batterie roule. Comme on dit, ça déménage.

Nous sommes en 2009. Cinquième album et cinquième maison de disque. Cette fois-ci, Tony won't be fooled again. Il le publie à ses frais sur son propre label, Poussinet. Ça s'appelle "L'oeil américain" et c'est à nouveau signé Tony Truant et ses 2 solutions. Toujours en power trio. Tony toujours à la guitare mais les autres musiciens ont changé. L'album est sympa mais moins affolant que le précédent. Que dire, c'est moins tendu, plus attendu. Heureusement, Tony a eu l'heureuse idée de placer en bonus les titres du maxi enregistré en 2005 avec les inénarrables Fleshtones et qui n'était sorti qu'en vinyle (entre autres, une version gaillarde de "Maman n'aime pas ma musique"). Superbe pochette. Tony en vieux sage, les joues creuses, le regard qui voit loin. Pour ne pas gâcher la photo, Tony n'a pas mis son nom dessus. Le genre de fantaisie que peut se permettre (et encore) Prince. J'espère qu'en plus d'un oeil américain il a un oncle d'Amérique pas radin sur les dollars.

Il m'est arrivé d'avoir cette vision étrange : j'allume la télé et je vois Tony. L'animateur lui pose de gentilles questions, lui demande s'il participera encore aux enfoirés cette année et le remercie d'être venu présenter en avant-première son nouveau tube. Un public casté de beaux jeunes gens aux dents blanches l'applaudit à tout rompre. Et tout ça parait hyper-normal.


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Tony Truant & ses 2 solutions
L'oeil américain
Poussinet 2009

Tony Truant
On the rocks (compilation de ses 4 premiers albums)
Poussinet 2005

www.myspace.com/tonytruant

5 juillet 2009

Rêves de rock - Guy Peellaert

Vous vous souvenez de l'album "Bye Bye, Bye Baby, Bye Bye" plus connu sous le nom de "Rock Dreams" (son sous-titre) ? C'était en 1973. Guy Peellaert offrait à la jeunesse pop un brévière d'images à la fois édifiantes et stupéfiantes. En vrac, une orgie avec les Stones, les Beatles prenant le thé avec la Reine, Johnny Cash au bagne, Janis comateuse. Une mythologie tout droit sortie des transistors, une divine comédie avec ses rois, ses bouffons, ses loosers et ses renégats. La planche sur Ray Charles est particulièrement réussie. On a tout simplement pas envie que ce type si talentueux soit aveugle alors que tous ces cons racistes qui remplissent les rues ont leurs deux yeux. Peellaert le représente au volant d'une limousine, cruisant avec une starlette (blanche) blotie sur l'épaule. Ca y est, le monde est parfait, tout est rentré dans l'ordre. Ces images étaient tellement justes que, dès 1974, David Bowie et les Rolling Stones commandèrent à Peellaert la pochette de leur nouvel album (Diamond Dogs et It's Only Rock'n Roll).

Mon exemplaire de Rock Dreams est complètement débroché. A l'époque, Albin Michel lésinait sur la colle. Toutes les pages se sont détachées ce qui fait que je n'ai jamais vu certaines planches autrement que coupées en deux par la reliure.

Heureusement, le Musée Maillol a eu la bonne idée de rendre hommage à Guy Peellaert (il nous a quitté en novembre dernier) en exposant une trentaine de planches originales de Rock Dreams. Ce n'est pas ultra spectaculaire car elles sont à peine plus grandes que dans l'album (mais elles sont d'un seul tenant). De plus les techniques employées par Peellaert (projection, aérographe, pastel) laissent assez peu voir le travail de l'artiste. Une des planches, celle avec Phil Spector, provient de la collection de Robert Combas. J'avais déjà remarqué il y a quelques années dans une expo une toile de Fleury-Joseph Crépin lui appartenant. Ce type doit avoir une collection infernale. On peut également voir une maquette de la pochette de It's Only Rock'n Roll. Une superbe composition dans le genre peplum. Les Stones triomphants acclamés par une foule de jeunes beautés païennes. Des dizaines de photos découpées on ne sait où, minutieusement redimensionnées à la photocopieuse puis assemblées, placées et replacées et enfin collées unes à unes. Un boulot de maniaque. C'est beau comme Ben-Hur.

Pour finir, je voudrais signaler cette trouvaille du Musée Maillol qui a eu la curieuse idée d'éditer un catalogue de l'exposition. Curieuse parce que les planches exposées sont extraites d'un album qui en comporte bien d'autres. L'acheteur du catalogue se retrouve donc avec le tiers des planches de l'album alors que celui-ci a été réédité maintes fois depuis sa parution (et en plus avec des reliures en béton). Catalogue à réserver aux Peellaertolâtres donc.

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BYE BYE, BYE BABY, BYE BYE GUY PEELLAERT
Jusqu'au 28 septembre 2009
au Musée Maillol - 61 rue de Grenelle 75007 Paris

3 juillet 2009

Les jolies filles aiment les blogs

J'ai longuement hésité sur le titre de ce blog. Un moment je pensais à "La Mort vient en Chantant" qui est le titre du premier roman de Georges Roques. J'ai finalement opté pour "La Chance aime les Jolies filles" qui est le titre d'un roman de René Roques. C'est moins sévère et, au fond, ça dit un peu la même chose.
René était le père de Georges. A eux deux ils ont écrit une centaine de romans. Vous ne les connaissez pas pour plein de raisons. D'abord leur production était assez confidentielle puisqu'ils se sont la plupart du temps autoédités. Il faut dire aussi qu'à eux deux ils détiennent un étonnant record familial : 41 romans interdits au titre de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949. Certaines de ces interdictions n'ayant à ce jour pas été levées, plusieurs de leurs romans les plus intéressants seraient aujourd'hui encore inpubliables . Et je ne parle pas des livres édités clandestinement par Georges et vendus sous le manteau.
René et Georges sévissaient dans un créneau que certains appellent le roman de gare et que d'autres qualifieront de façon plus savante de littérature populaire. Pour que leurs petites boutiques tournent il fallait vendre. Après-guerre, pour vendre ce genre de livre, il fallait a minima 1/une couverture sexy 2/ un titre qui casse la barraque 3/ ne pas être censuré.

Arrêtons nous sur le point 2. "La chance aime les jolies filles" est un sacré bon titre. Preuve de son efficacité, René Roques l'a réédité plusieurs fois. Dès la deuxième édition, on voit d'ailleurs apparaitre sur la couverture le nom de l'auteur ommis sur le premier tirage. J'ai un faible pour ces petites phases qui claquent comme des haïkus rock'n roll (avant l'heure). Un sujet, un verbe et un complément, trois accords et c'est parti. Boris Vian était très calé dans cet exercice. Les titres des Vernon Sullivan sont indépassables : "J'irai cracher sur vos tombes" (1946), "Les morts ont tous la même peau" (1947), "Et on tuera tous les affreux" (1948), "Elles se rendent pas compte" (1950). Bien connu des amateurs, le "On est toujours trop bon avec les femmes" (1947) de Sally Mara/Raymond Queneau. Citons également Léo Malet : "La vie est dégueulasse" (1948), "Le soleil n'est pas pour nous" (1949) ou "M'as tu vu en cadavre ?" (1956). Georges Roques a publié sous le pseudonyme de Georgie Rock "Les Morues ne sont pas toutes plates" (1952) et "As-tu vu ses hanches ?" (1952). De son côté René Roques s'est fendu des peu rugueux "Le pastis était bleu" (1959) et "Tu jouais à la poupée ce jour-là" (1962). Des gens sérieux je vous dis. On aura l'occasion d'en reparler plus longuement dans ce blog.