30 mars 2010

74 bougies pour Lee Scratch Perry

Il fallait être à l'Elysée Montmartre le 20 mars dernier. Un affiche de rêve. Sur mon billet il y avait écrit "Lee Scratch Perry + Max Romeo + Adrian Sherwood + guest". A l'arrivée, personne n'a vu Adrian Sherwood car il était parait-il caché au balcon derrière sa console. Mais sur scène, divine surprise, the Congos ! En fait, nous apprend le guitariste qui chauffe la salle en attendant que les vieux lions se montrent, on fête ce soir les 74 ans de Lee. Ce sera sa soirée et Max et les Congos feront les vedettes américaines.

C'est Max Romeo qui ouvre les hostilités. Ce type a vraiment une classe folle. Toujours mince et élégant, les locks savamment mélangées, il roucoule de sa voix de crooner quelques hits, pour la plupart issus de War ina Babylon, le légendaire album jadis enregistré avec Lee. Avec Max, c'est boulevard du reggae. Tout en souplesse, pas une fausse note, impeccable. Un triomphal Chase the Devil repris à pleins poumons par toute la salle et voilà Max qui disparaît en coulisses au bout d'une grosse demi-heure au plus grand étonnement de l'assistance.

Pas le temps de gamberger, les Congos arrivent. Quatre pères Noël rastas, barbes blanches et air canaille. Des têtes à jouer dans Pirates des Caraïbes. Ils viennent de sortir un nouvel album qui s'appelle Back in the Black Ark du nom du mythique studio de Lee (c'est sa fête je te dis). On peut d'ailleurs se demander de quel Black Ark il s'agit puisque à ma connaissance ce studio a disparu dans un incendie en 1983. Aucune importance puisque l'album est justement produit par Lee ce qui explique leur présence ce soir. J'aime beaucoup les Congos. C'est un groupe vocal qui pratique une espèce de reggae planant. Leur leader a une voix à la Bee Gees assez stupéfiante, surtout vu son âge. Ce soir, leur répertoire oscille entre reggae mystique et soul psychédélique. On pense parfois à l'Exodus de Marley. A leur tour ils quittent la scène mais, à leur mine bonhomme, on comprend qu'ils vont bientôt revenir.

Un quart d'heure d'entracte plus tard les lumières s'éteignent. Revoilà nos musiciens. Est-ce pour l'anniversaire de Lee ? Ils portent maintenant des queues de pie rouge et des chapeaux haut de forme comme le personnage Johnny Walker. Ils ont aussi mis des lunettes avec des ampoules qui clignotent ce qui, dans la pénombre, est du plus bel effet. Des vidéos sont projetées sur un écran placé en fond de scène. On y verra s'agiter toute l'iconographie chère à Perry, en particulier le gorille des albums Super Ape rugissant tel King-Kong derrière l'Elysée Montmartre. L'infographiste s'est juste trompé d'anniversaire puisque qu'il écrit partout qu'on est là pour fêter les 75 ans de Lee ce qui le vieillit d'un an. Le voici justement qui entre sur scène. Il a sorti sa garde robe prussienne. Veste militaire (rouge ?) avec double rangée de boutons dorés et, sur la tête, on ne sait : est-ce une casquette plaquée or ou un casque à pointe ? Tout est si sombre. Pendant une bonne heure, Lee fait une démonstration de groove hypnotique. La concurrence est KO. C'est bien lui le plus fou, le plus intrépide, l'astre noir du reggae. Un magma sonore pris en tenaille entre une lourde basse dub et ses incantations rocailleuses. Il a beau le refaire le coup pour la millième fois, c'est toujours aussi envoûtant.

Rappels de rigueur. Surprise, à la place de Lee, c'est un sosie de Marilyn qui arrive. Une blonde platine avec un gâteau d'anniversaire. Elle minaude au micro un "Happy birthday mister president... Perry" des plus incongrus. Décidément ce gars n'a peur de rien. Heureusement Lee ne tarde pas à revenir sur scène accompagné de Max Romeo et des Congos. On a beau être dans un lieu public où personne ne fume, c'est fou le nombre de briquets qui s'allument quand Lee souffle ses bougies. Cette formalité accomplie, il lance un War ina Babylon endiablé entonné collegialement pas toutes nos reggae stars. Puis un morceau que je n'ai pas reconnu plus dans le registre des Congos.

Une sacrée soirée comme dirait l'autre.




PS. : il y avait un batteur que tout le monde avait l'air de connaitre et qui cabotinait comme un beau diable. Je cherche à savoir qui c'était. J'ai posé la question sur Reggae France mais à ce jour personne ne m'a répondu. Quelqu'un a la réponse ?

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Lee Scratch Perry + Max Romeo + the Congos
Elysée Montmartre - Paris
Le 20 mars 2010

18 mars 2010

Le jardin des délices - Blanca Li


C'est malin. Maintenant je vois Pierre Molinier partout. Encore hier, il m'a semblé sentir l'esprit du chaman souffler sur la scène du Théâtre 71 de Malakoff. J'y assistais à un spectacle merveilleux : Le jardin des délices de la chorégraphe espagnole Blanca Li. Cette évocation du célébrissime tableau de Jérôme Bosch a été créée au festival de Montpellier en juin. Elle est depuis passée par le théâtre des Champs Elysées et on l'annonce ces jours prochains à Tarbes, Blagnac, Nice et Draguignan pour ne parler que des dates françaises. Ouvrez donc l'oeil.

Je me souviens du spectacle d'ouverture des JO d'Albertville. Déjà à l'époque, Découfflé nous avait servi un petit monde à la Bosch. Des monstres kitchs qui faisaient des roulades pour le plus grand bonheur des fans de patin à glace. Là, il s'agit de tout autre chose. On retrouve bien les personnages de Bosch mais virtuellement, sur la toile de l'écran qui occupe le fond de la scène. Ils sont comme des morts-vivants, des géants flottant hors du temps, indifférents aux tourments de la petite humanité qui s'agite à leurs pieds. Sur la scène, les danseurs enchainent des tableaux, tantôt burlesques, tantôt sombres. C'est dans ces derniers que j'ai cru deviner l'esprit de Molinier bien qu'à ma connaissance Blanca Li n'ait jamais cité ce nom. Pourtant, ces corps solitaires et enchevêtrés qui, par des effets de symétrie, se trouvent démultipliés... Et ces forêts de jambes, ces jarretelles et ces talons aiguilles... Ce noir et blanc... On court tout droit vers le jardin des supplices, non ?






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Le jardin des délices
Spectacle chorégraphique de la Compagnie Blanca Li
http://www.blancali.fr/

2 mars 2010

Pierre Molinier à toutes jambes

Plus que quatre jours pour voir l'exposition Pierre Molinier qui se tient à la galerie Kamel Mennour. Ça devient une habitude. Déjà pour Chomo j'étais juste. Là c'est presque trop tard. Jamais l'expression "prendre ses jambes à son cou" n'a eu plus de sens.

Alors claquez votre porte, dégringolez l'escalier en faisant du bruit. Prenez le premier moyen de locomotion venu, le métro, un taxi ou n'importe quel train à grande vitesse, direction Paris dans le 6e arrondissement. Remontez la rue Saint André des Arts en courant comme si vous veniez de voler un bouquin chez Taschen et que les vigiles étaient à vos trousses. Vous verrez, c'est bon pour le coeur et les poumons. Certains passants seront sans doute tentés de vous ceinturer pour vous livrer à la police. Ils ont tellement envie de faire une bonne action. Mais ils ne feront rien. Pas assez de muscle et ça se voit que vous avez rendez-vous avec le diable. Au numéro 47, un brusque mouvement de torse et vous disparaissez de la voie publique, à droite, sous le porche. Reprenez votre souffle. Là-bas, au fond de la cour pavée, se trouve le saint des saints. Maintenant il faut faire bonne figure. Donnez vous un air de vieux gynécologue et d'un geste tranquille poussez la porte vitrée de la galerie.

Molinier ? C'est par là vous indique un moustachu entouré de jeunes femmes affairées à renseigner des collectionneurs fortunés. Derrière un lourd rideau de velours, une vidéo raconte quelque chose à trois formes sombres posées sur des poufs. Peut-être se carressent-elles. On ne voit pas bien. Votre ombre chinoise traverse l'écran. Personne ne proteste. A l'autre bout de la pièce, la clarté d'une porte puis celle d'une grande salle blanche. C'est là, vous y êtes.

Quelques visiteurs, visiblement ravis, se délectent de petits rectangles gris élégamment encadrés. Dans une vitrine, de vieux appareils photos, des masques de femmes et quelques godemichés que le maître utilisa jadis pour fabriquer ses images.

Étourdi par tant de féminité, vous songez à quitter les lieux. Pas avant d'avoir visité la cave vous arrête le moustachu. En bas c'est le lupanar ! Et si vous avez peur, appelez au secours. Aucun danger, un lupanar est bien le dernier endroit où vous auriez peur. D'ailleurs il n'y pas de quoi. Dans une petite pièce voutée, vous découvrez un cabinet de curiosités joli comme une maison de poupées où croupiraient des fantômes. C'est la reconstitution de l'atelier de Molinier.

Ce sont des photomontages inédits de Pierre Molinier et vous n'avez plus que 4 jours pour les voir.




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Pierre Molinier
Collages et photomontages
Galerie Kamel Mennour
47 rue Saint André des Arts - Paris 6e
Jusqu'au 6 mars

http://www.kamelmennour.fr/