23 janvier 2011

Musidora contre les Vampires


Tiens ! Une huile sur panneau signée Musidora a été adjugée à Drouot en octobre. C'est un gentil petit portrait d'une certaine Mademoiselle Suzanne et c'est parti pour 310€. Jugez si c'est une bonne affaire ! Bien sûr, ce n'est pas pour sa peinture que Musidora est passée à la postérité, ceci expliquant sans doute sa faible cote.

On se souvient en général de Musidora comme étant la première vamp du cinéma. En fait de vamp, l'artiste de music hall qu'elle était s'était littéralement faite vampiriser par le personnage d'Irma Vep. C'est Louis Feuillade qui lui donna ce rôle, en pleine première guerre mondiale, dans sa série en douze épisodes  "Les Vampires". Grâce à un collant noir qui moulait ses formes généreuses, des yeux qui roulaient et des exploits criminels en tous genres, Irma Vep était devenue en quelques semaines le fantasme numéro un des français. Par la suite, toutes les tentatives cinématographiques de Musidora pour prendre ses distances d'avec la vamp (en adaptant des romans de Colette ou de Pierre Benoit par exemple) ne rencontreront jamais un succès à la mesure de celui des Vampires. C'était la garce criminelle, entreprenante et sans pudeur, qui faisait rêver les poilus enfermés dans les tranchées, pas l'ambitieuse actrice qui construisait des ponts entre le cinéma et la littérature. La vamp resta accrochée à Musidora bien après que les Vampires eurent disparus des écrans. Quand Breton et Aragon écrivirent en 1929 la pièce Le Trésor des Jésuites, ils eurent beau prétendre l'écrire pour Musidora, c'était bien Irma Vep qu'ils célébraient : "Elle est en maillot noir, lampe électrique à la main". On redemandera ainsi à Musidora du Irma Vep jusqu'à la fin de ses jours. Quelques jours avant sa mort, on pouvait encore la voir dans le journal Détective exhiber à 68 ans le fameux collant noir, le "vrai", celui d'Irma Vep.

L'histoire de Musidora est trop longue pour être racontée sur ce blog. De son combat inégal avec Irma Vep, elle sortira lessivée et ruinée. En 1927, elle tombera dans les bras de son médecin qu'elle présentera aussi comme un ami d'enfance. A lire les dernières pages de son roman autobiographique Paroxysmes, on pencherait plutôt pour un gourou. Toujours est-il que cet homme la sauvera en la ramenant à une vie moins extravagante. Oubliée la vamp. De toute façon, depuis que le cinéma parle, il ne s'intéresse plus à elle. Elle aura un fils à presque 40 ans et consacrera ses moments perdus à l'écriture, au théâtre et à la peinture sans jamais renouer avec le succès.

Revenons au petit portrait qui est le prétexte à ce billet. Il date de 1932. Avec le portrait de son collègue et imprésario Robert Ozanne, c'est le seul exemple de peinture que je connaisse de Musidora. Franchement, sans être révolutionnaires, ces deux huiles montrent quelques qualités. Pour se faire une idée, il faudrait en voir d'autres. Si vous en connaissez, n'hésitez donc pas à me faire signe.

Restons dans le domaine des beaux-arts et signalons l'étrange destin de la maison que Musidora habita avant-guerre à Chatillon-sur-Marne. Cette maison est devenue en 2003 un lieu de création artistique géré par une association nommée... Irmaveplab !!!! Je ne sais pas grand chose des activités du "lab" si ce n'est qu'il semble avoir aujourd'hui déserté la Champagne pour la capitale, devenant au passage Irmavepclub. On peut avoir un aperçu de ses projets en visitant son site Internet.

Les pauvres, ils croyaient se placer sous la protection de la muse, ils se sont jetés dans les griffes de la vamp. On leur souhaite bien du courage...

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