25 octobre 2010

Le guide des prénoms - Pierre Louÿs

Le Nom de la Femme, nous annonce l'affreux macaron rouge placé sur la couverture, est un inédit de Pierre Louÿs. Ce qui n'est pas en soi une prouesse éditoriale tant Pierre Louÿs semble avoir passé sa vie à écrire et à ne quasiment rien publier, laissant aux éditeurs une matière immense à exploiter après sa mort. A peine était-il enterré que les amateurs découvraient Trois filles de leur mère et Psyché. Puis ce furent son Journal, ses poésies, ses écrits érotiques, sans parler de ses nombreux textes d'érudition littéraire. Aujourd'hui encore, des textes inédits sont régulièrement exhumés, la plupart du temps par le ludovicien en chef Jean-Paul Goujon.

Le Nom de la Femme est un bien étrange document. Peut-on parler de poème ? Il s'agit d'une liste de 471 noms de femmes. Le préfacier Philippe Brenot (qui est aussi l'éditeur) a bien raison d'écrire qu'"il faut parcourir ce poème avec recueillement, mentalement ou à haute voix, pour entrer dans l'univers intérieur de Pierre Louÿs". On devine le pouvoir d'évocation de chacun de ces noms pour celui qui se vantait, à l'époque où a été écrit le texte (1898), d'avoir connu 1000 femmes (et ce n'était qu'un début !). Par contre, Philippe Brenot ne prête-t-il pas à Louÿs des intentions qu'il n'a pas quand il écrit que cette énumération est "un long jeu de femmes entre elles qui, comme dans un dictionnaire jouent avec les mots qui les entourent créant une atmosphère qui leur ressemble". En fait d'atmosphère, c'est plutôt l'armée des ombres. On ne voit pas les visages. Dans ce texte, les femmes sont réduites à des noms qu'elles portent comme des matricules. Les extraits du manuscrit reproduits montrent la façon dont a été composé ce texte : une première liste de prénoms froidement rangés par ordre alphabétique (ex : Francine, Francinette, Françoise...) enrichie d'une deuxième, insérée dans la première de façon toute aussi alphabétique, composées de sobriquets (Frangipane, Franquette, Frasque, Fraxinelle, Freluche...). Le rapport entre les Françoise et les Frangipane ? A mon avis aucun. Il y a d'un côté les Françoise dont il se souvient, parfois vaguement, et de l'autre les Frangipane, Franquettes et autres Frasque qui sont sans doute des prostituées que Louÿs n'a jamais connu que bibliquement, de la chair anonyme consommée dans les bordels et à qui il redonne involontairement, en les nommant, un peu d'humanité.

Un des bonheurs de ce livre est d'y découvrir de nouvelles photos de Pierre Louÿs. On ne dira jamais assez à quel point cet homme a été un œil. Il me semble que s'il restait un grand livre à publier sur lui, ce serait certainement un album de ses photographies. Je pense aux photos érotiques mais aussi aux portraits de ses proches. Michel Simon en possédait un grand nombre dont celle ci-dessous. Ce qui est bien avec Pierre Louÿs, c'est que tout finit toujours par ressortir un jour ou l'autre. La seule question est de savoir si ce sera pour Noël ou pour dans cinquante ans.

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Le nom de la femme
Pierre Louÿs
L'esprit du temps - 2010

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