6 avril 2010

Un drôle d'oiseau - Chaval

Je me souviens d'un numéro de la revue Bizarre qui traînait dans la bibliothèque de mes parents. J'étais enfant et le vautour sur la couverture m'impressionnait d'autant plus qu'on pouvait lire sur le noir de ses ailes ce jugement définitif : Les oiseaux sont des cons. Je n'ai pas tout de suite été transporté par la beauté minérale du dessin de Chaval. J'étais alors dans ma période Tif et Tondu et le duel sans fin des deux compères avec le machiavélique Choc me paraissait autrement exaltant.

Le temps a passé. L'an dernier, le dénommé Jean-Marie Lhôte a eu la riche idée de publier une indispensable anthologie de la revue Bizarre. Au hasard des pages, j'y retrouve les satanés piafs. Ils n'avaient pas changé. J'apprends que les dessins de mon enfance sont en fait extraits du court métrage éponyme que Chaval avait réalisé en 1964, l'année précédant leur publication dans Bizarre.

(attention : le son ne démarre qu'à 0'36'')


Mon dieu que c'est beau ! Ce trait vertical, ces yeux fatigués qui empêchent de rêver et qui vous rappellent sans cesse qui vous êtes et quelle est votre place. Les dessins les plus frappants sont ceux où les gros becs surgissent de puissantes traînées noires. Comme si, pour exister, les oiseaux devaient s'accrocher à ce qui reste, se contenter des bouts d'espace laissés libres. Le commentaire est grandiose. On devrait l'étudier dans les écoles. Et le lire ! : "Qu'ils sont cons les oiseaux ! Qu'ils sont cons les pauvres petits ! Aussi cons que les hommes disent certains, d'autres affirment qu'ils le sont d'avantage. Mon dieu qu'ils sont cons les oiseaux, qu'ils sont donc cons". Le meilleur pour la fin : "Chante con, chante clair. Chante la joie d'être un con. Chante le bonheur de vivre sans comprendre. Mon faucon, mon beau-frère. Les oiseaux sont des cons". C'est sublime et déprimant comme une poésie de Dominique de Villepin.

Ces jours-ci, nos cons d'oiseaux nous donnent un nouveau rendez-vous à l'atelier André Girard . Cette galerie située à quelques pas du boulevard Montparnasse expose jusqu'au 6 mai une floppée de Chaval (de Chaveaux ?) en provenance directe du grenier d'un neveu. On peut ainsi de procurer un petit Chaval pour décorer son salon mais, attention, c'est peu dire que ce n'est pas donné. Toutes les périodes sont représentées : des dessins potaches des années cinquante jusqu'aux oiseaux de mauvais augure des derniers jours (Chaval s'est suicidé en 68, l'année du Requiem pour un con). Ces derniers occupent quelques cadres. En voici quelques spécimens bien cons.

Pour me faire pardonner ce triste billet, voici deux dessins également exposés qui, à n'en pas douter, amuseront les cons.


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Chaval
Atelier André Girard
7 rue Campagne Première - Paris 14e
Jusqu'au 6 mai.

http://www.atelier.angirard.com/

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